Forme bilinéaire, forme quadratique sur R ou C

Bases orthogonales, base orthonormales. Décompositions en carrés des formes quadratiques

 

Ce cours comporte deux grands thèmes : le premier concerne les bases orthogonales ou orthonormales par rapport à une forme quadratique (respectivement par rapport à une forme bilinéaire symétrique).

Le second a pour finalité l'algorithme de Gauss qui permet de décomposer une forme quadratique en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires linéairement indépendantes. Cette partie est achevée par le théorème d'inertie de Sylvester.

Prérequis indispensables  :

Prérequis utiles  :

Objectifs  :

Temps de travail prévu  :  105 minutes

Comptez environ 90 minutes pour le cours et 15 minutes pour le QCI.

Les étudiants non intéressés par l'aspect théorique de ces notions peuvent aller directement à l'algorithme de Gauss et ses exemples et admettre le théorème de Sylvester qui leur permet d'avoir toutes les applications qui leur seront nécessaires.

Sommaire :

Introduction
Base orthogonale, base orthonormale
    Famille orthogonale, famille orthonormale
    Base orthogonale, base orthonormale
    Existence de bases orthogonales
Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique
    Interprétation du problème
    Comment déterminer explicitement une base orthogonale à partir d'une décomposition en carrés ?
    Algorithme de Gauss
    Exemples
Théorème de Sylvester
    Théorème d'inertie de Sylvester
    Signature d'une forme quadratique
Avez-vous bien compris ?


Introduction

Lorsque l'on étudie les formes bilinéaires symétriques ou les formes quadratiques sur un espace de type fini, la matrice qu'on leur associe par rapport à une base de l'espace considéré joue un rôle pratique important. Il est clair que plus cette matrice est « simple » c'est-à-dire comporte beaucoup de zéros et plus les calculs sont faciles. Evidemment les matrices les plus simples en ce sens sont les matrices diagonales.

L'objet de cette ressource est de caractériser et d'étudier l'existence de bases dans lesquelles la matrice associée à une forme quadratique (respectivement à une forme bilinéaire symétrique) est diagonale, et de donner, s'il y a lieu, un algorithme pour déterminer explicitement de telles bases.

Dans toute cette ressource les espaces vectoriels considérés sont des espaces vectoriels de type fini sur le corps de nombres réels ou sur le corps des nombres complexes.

Sommaire


Base orthogonale, base orthonormale

Soit E un espace vectoriel de dimension n. Soit f une forme bilinéaire symétrique sur E, q la forme quadratique associée.

Sommaire


Base orthogonale, base orthonormale
Famille orthogonale, famille orthonormale

Définition 1 : famille orthogonale

Une famille de p vecteurs est orthogonale si pour tout couple i et j sont deux éléments distincts de , les vecteurs et sont orthogonaux, c'est-à-dire tels que

Définition 2 : famille orthonormale

Une famille de p vecteurs est orthonormale si pour tout couple i et j sont éléments de ,

On a immédiatement la propriété suivante :

Propriété des familles orthonormales :

Une famille orthonormale de p vecteurs est libre.

La preuve de cette propriété est simple :

Soit une combinaison linéaire nulle des vecteurs .

Soit k un entier quelconque compris entre 1 et p.

Alors .

Comme f est bilinéaire cela donne . Comme la famille est orthonormale,

et donc le seule terme de la somme qui reste est . Il s'en déduit l'égalité :

 .

Ceci achève la démonstration.

Remarque :

Ce résultat n'est pas vrai en général pour une famille orthogonale. Considérons pour s'en convaincre l'exemple suivant : soit , la base canonique et q la forme quadratique sur E définie par . Alors la famille est orthogonale et n'est pas libre.

Sommaire


Base orthogonale, base orthonormale
Base orthogonale, base orthonormale

La problématique de départ est de trouver une caractérisation des bases de E telles que la matrice associée à f (ou à q) par rapport à l'une de ces bases soit diagonale.

Si est une telle base de E. La matrice associée à f (ou à q) par rapport à cette base est diagonale, c'est-à-dire de la forme :

où les sont des éléments de K dont certains peuvent être nuls.

On a alors :

Cela conduit à la définition de la notion de base orthogonale.

Définitions : base orthogonale, base orthonormale relativement à une forme bilinéaire symétrique

On dit qu'une base de E est orthogonale (relativement à f ou à q) si ses vecteurs forment une famille orthogonale c'est-à-dire vérifient les relations :

.

On dit qu'une base de E est orthonormale (relativement à f ou à q) si et seulement si ses vecteurs forment une famille orthonormale c'est-à-dire vérifient les relations :

 

Remarques :

  1. Dans le cas d'une base orthogonale aucune contrainte n'est imposée aux termes .

  2. Une base orthonormale est orthogonale. La réciproque n'est pas vraie.

Conséquence : on a bien une réponse à la question posée.

Une base est orthogonale relativement à une forme bilinéaire symétrique f si et seulement si la matrice associée à f par rapport à cette base est une matrice diagonale, les termes de la diagonale principale pouvant être nuls ou non.

Une base est orthonormale relativement à une forme bilinéaire symétrique f si et seulement si la matrice associée à f par rapport à cette base est la matrice unité.

Notation :

La notion de base orthonormale ou orthogonale est relative à la forme quadratique ou bilinéaire symétrique considérée. C'est pourquoi lorsqu'il y a un risque de confusion, on utilise le vocabulaire suivant : base f-orthogonale ou base q-orthogonale

Exemples :

  1. Soit et sa base canonique.

    Soit l'application q de dans R définie pour tout de par :

     .

    Alors la matrice associée à q dans la base canonique est la matrice unité d'ordre 3 et la forme bilinéaire symétrique qui lui est associée (théorème précédent) est définie pour tout élément et par :

     .

    On reconnaît le produit scalaire euclidien de la géométrie classique, la quantité étant la norme euclidienne du vecteur x.

    La base canonique de est donc une base orthonormale pour f. On retrouve la situation classique de la géométrie euclidienne de l'espace.

  2. Soit et sa base canonique.

    Soit l'application de dans R définie pour tout de par :

     .

    Alors la matrice associée à dans la base canonique est la matrice .

    La base canonique est donc une base orthogonale pour ou est -orthogonale, mais n'est pas une base -orthonormale.

Sommaire


Base orthogonale, base orthonormale
Existence de bases orthogonales

La première question qui se pose est celle de l'existence de telles bases.

La réponse est positive pour l'existence d'une base orthogonale, mais il faut des conditions supplémentaires pour l'existence d'une base orthonormale.

Théorème : Existence d'une base orthogonale relativement à une forme bilinéaire symétrique (ou à une forme quadratique)

Soit E un K-espace vectoriel de dimension n et f une forme bilinéaire symétrique non nulle de rang r (r est donc strictement positif). Alors il existe une base de E satisfaisant aux conditions suivantes :

Conséquence immédiate :

La matrice associée à f dans une telle base est de la forme :

  si r est strictement inférieur à n,

ou : si , les étant des scalaires non nuls.

Corollaire

Si est une base f-orthogonale, le nombre d'indices i tels que soit non nul est égal au rang de f.

Autrement dit, déterminer explicitement une base orthogonale relativement à f et déterminer la matrice associée à f dans cette base permet de trouver explicitement le rang d'une forme bilinéaire symétrique.

Preuve du théorème :

On procède par récurrence sur la dimension de E.

Pour , il n'y a rien à dire.

Supposons la propriété vraie pour tout espace de dimension .

Démontrons la pour un espace de dimension n.

Soit un vecteur tel que  ; (un tel vecteur existe puisque f étant non nulle, la forme quadratique associée est non nulle).

Considérons la forme linéaire définie sur E par

C'est une forme linéaire non nulle donc elle est surjective, son rang est égal à 1 et par conséquent d'après le théorème du rang, son noyau est de dimension . Donc . De plus comme est non nul, le vecteur n'appartient pas à et donc .

On déduit de ces deux résultats l'égalité .

Il est clair que la restriction à de la forme bilinéaire symétrique f est une forme bilinéaire symétrique sur . On peut donc appliquer l'hypothèse de récurrence.

Il existe donc une base de orthogonale pour la restriction de f à . Il est évident que ces vecteurs sont orthogonaux pour f.

En résumé :

L'ensemble de ces propriétés prouve que est une base f-orthogonale de E.

La matrice associée à f dans cette base est une matrice diagonale de rang r, le rang de la forme bilinéaire symétrique. Ce rang est égal au nombre de scalaires non nuls sur la diagonale principale. Quitte à renuméroter les vecteurs on peut supposer que ce sont les r premiers et on a donc le résultat.

Pour illustrer cette dernière phrase on peut reprendre l'exemple (2) vu ci-dessus. La base canonique est une base orthogonale pour la forme quadratique considérée et la matrice associée à dans cette base est . Alors la base est une base -orthogonale satisfaisant aux conditions du théorème.

Interprétation des vecteurs lorsque est une base f-orthogonale satisfaisant aux conditions du théorème

On suppose f de rang strictement inférieur à n. Soit une base orthogonale de E telle que :

alors, est une base de (orthogonal de E relativement à la forme bilinéaire symétrique f).

  Pour voir la preuve de ce résultat, cliquez. 

On peut donner une traduction matricielle du théorème.

Proposition : Traduction matricielle

Soit A une matrice carrée symétrique à coefficients dans K (avec ou ). Alors il existe une matrice inversible P et une matrice diagonale D telle que .

Cela résulte, d'une part de l'isomorphisme entre espace vectoriel des matrices symétriques et espace vectoriel des formes bilinéaires symétriques, et d'autre part, de la formule de changement de base pour les matrices associées à une forme bilinéaire symétrique.

Attention : ce théorème ne prouve pas que la matrice A est diagonalisable. En effet, en général, la matrice est différente de la matrice .

Le problème de la diagonalisation des matrices symétriques réelles est étudié dans le cadre des espaces euclidiens.

   Problème des bases orthonormales

Le problème de l'existence d'une base orthonormale est moins simple.

Une condition nécessaire d'existence d'une base orthonormale pour une forme bilinéaire symétrique f est que f soit de rang n.

En effet toutes les matrices associées à une forme bilinéaire symétrique ont le même rang. Or s'il existe une base orthonormale, la matrice associée à f dans cette base est qui est de rang n.

Mais cette condition n'est pas suffisante. Pour s'en convaincre on va étudier l'exemple suivant : soit q la forme quadratique définie sur par . La matrice qui lui est associée dans la base canonique est . S'il existe une base orthonormale, il existe une matrice inversible P telle que .

Si , alors .

Ceci implique, entre autres, l'égalité ce qui est absurde dans R. Il n'existe donc pas de base orthonormale relativement à q.

On peut donner cependant un exemple où l'on sait construire une base orthonormale à partir d'une base orthogonale pour une forme quadratique de rang n. Il s'agit des formes quadratiques de rang n sur un espace de dimension n sur le corps des nombres complexes.

En effet si q est une telle forme et est une base orthogonale relative à q,
on a où les sont des nombres complexes non nuls.

Soit des nombres complexes tels que, pour tout i compris entre 1 et n, et les vecteurs définis, pour tout i compris entre 1 et n, par . Alors est une base (les nombres complexes sont non nuls) et elle est orthonormale relativement à q puisque et donc .

D'où la propriété :

Proposition : Existence de base orthonormale relativement à une forme quadratique sur un espace vectoriel sur le corps des nombres complexes C

Soit E un C-espace vectoriel de dimension n et q une forme quadratique sur E. Une condition nécessaire et suffisante pour qu'il existe une base q-orthonormale est que q soit de rang n.

On a de manière immédiate un résultat très utile sur la matrice de passage d'une base orthonormale à une autre base orthonormale.

Proposition : matrice de passage d'une base orthonormale à une autre base orthonormale

Soit f une forme bilinéaire symétrique sur un espace vectoriel de type fini, telle qu'il existe au moins une base f-orthonormale.

Alors la matrice P de passage d'une base f-orthonormale à une autre base f-orthonormale vérifie la relation . On dit d'une telle matrice qu'elle est orthogonale.

Preuve :

La matrice associée à une forme bilinéaire symétrique par rapport à une base orthonormale est la matrice unité d'ordre n. Si on a deux bases orthonormales, la formule de changement de base donne donc : et donc .

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Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique

La démonstration du théorème d'existence d'une base orthogonale qui vient d'être faite est simple en ce sens qu'elle ne met pas en œuvre des propriétés mathématiques complexes. Elle donne le résultat théorique mais n'est pas effective, c'est-à-dire ne permet pas de trouver effectivement une base orthogonale.

L'algorithme de Gauss qui va être étudié redonne une démonstration de l'existence d'une telle base et permet à la fois d'en construire une effective et de connaître sans calculs supplémentaires la matrice associée à la forme bilinéaire symétrique dans cette base.

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Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique
Interprétation du problème

Soit q une forme quadratique sur un espace vectoriel de dimension n. Le théorème démontré dans le paragraphe précédent assure l'existence d'une base orthogonale pour q. Si est une telle base, il existe des scalaires (certains pouvant être nuls) tels que si un élément x de E est écrit sous la forme , alors .

On considère dans le dual de E, la base base duale de la base B. Le scalaire est l'image de x par la forme linéaire . Alors on a la formule :

Cela signifie que l'on a écrit q comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires linéairement indépendantes.

  Rappel sur la notion de base duale 

Réciproquement, supposons qu'il existe des formes linéaires , linéairement indépendantes, telles que , où les sont non nuls.

Si p est strictement inférieur à n, il existe, d'après le théorème de la base incomplète, des formes linéaires telles que soit une base de . Si p est égal à n on a directement une base de . Ce qui suit est donc commun aux deux cas.

Soit la base de E antéduale de la base c'est-à-dire telle que . Cela signifie donc que :

désigne le symbole de Kronecker.

Alors si , , ce qui prouve que la base est une base orthogonale pour q et que la matrice associée à q dans la base est :

  si p est strictement inférieur à n,

ou : si p est égal à n.

On en déduit aussi que p est le rang de q.

Conclusion : Trouver une base orthogonale relativement à q revient à décomposer q en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires linéairement indépendantes.

Remarque : Souvent, dans la pratique on dit « décomposer la forme quadratique en carrés » ce qui est incorrect car incomplet mais beaucoup plus rapide.

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Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique
Comment déterminer explicitement une base orthogonale à partir d'une décomposition en carrés ?

Les notations précédentes sont conservées.

Connaissant n formes linéaires, linéairement indépendantes , il s'agit de chercher explicitement une base vérifiant les conditions :

On va donner deux méthodes.

Première méthode :

Soit j un entier compris entre 1 et n. Le vecteur satisfait aux n relations :

Soit une base de E et sa base duale. Alors en exprimant sur la base et les formes sur la base , les conditions précédentes se traduisent par un système de n équations à n inconnues qui sont les coordonnées de sur .

Donc on trouve la base en résolvant n systèmes de n équations à n inconnues.

En fait les premiers membres de ces systèmes sont les mêmes, seuls changent les deuxièmes membres. Par conséquent, dans la pratique, il suffit d'utiliser une fois la méthode du Pivot de Gauss avec un second membre quelconque puis de trouver les solutions en prenant successivement tous les seconds membres adéquats. L'exemple qui va être donné illustrera bien l'algorithme.

Deuxième méthode :

Elle consiste à trouver une formule traduisant le procédé précédent.

Les formes étant données par la décompositions en carrés, on connaît la matrice R de passage de la base à la base . Pour déterminer les vecteurs tels que , il suffit de connaître l'expression de chacun d'eux dans la base . Autrement dit il s'agit de déterminer la matrice de passage P de la base à la base .

Or P est la matrice de l'application identique de E en choisissant comme base de E espace de départ, et comme base de E espace d'arrivée. Cela peut être schématisé de la manière suivante :

Alors on sait que (cliquez ici pour voir l'énoncé des propriétés utilisées) est la matrice de l'application identique de (qui est la transposée de l'application identique de E) en choisissant comme base de espace de départ et comme base de espace d'arrivée. Cela peut être schématisé de la manière suivante :

En remplaçant dans cette formule par cela donne :

Donc est la matrice de passage de la base à la base . Et par conséquent est la matrice de passage de la base à la base , soit R. Donc ce qui équivaut à .

Le résultat obtenu est le suivant :

Propriété

Soit une base de E et une base de . Soit R la matrice de passage de la base à la base .

Soit la base de E antéduale de la base c'est-à-dire vérifiant les propriétés

.

Alors la matrice de passage P de la base à la base est donnée par la formule :

   Exemple :

Soit q l'application de dans R définie pour tout par

C'est bien une forme quadratique sur (expression polynômiale homogène de degré 2 par rapport aux ). Cherchons une base orthogonale pour q.

On observe que est une combinaison linéaire de carrés des formes linéaires et .

Il est clair que ces deux formes sont linéairement indépendantes. Donc on a une décomposition en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes. On en déduit immédiatement que q est de rang 2 (donc q est dégénérée).

D'après ce qui précède la première étape consiste à compléter la famille libre par une forme linéaire de manière à ce que soit une base de . Prenons par exemple qui convient.

Pour trouver une base orthogonale, on va utiliser successivement les deux méthodes qui viennent d'être décrites.

Première méthode :

Soit un vecteur de . C'est la base canonique qui joue le rôle de la base . Soit un élément de .

Première étape : résolution du système linéaire

Avec les données numériques de l'exemple cela donne : .

Il est équivalent au système :

Deuxième étape : détermination des vecteurs .

Cela revient à résoudre le système successivement avec , puis , et enfin .

Deuxième méthode :

En conservant les notations précédentes, il vient et donc .

Cela donne la base orthogonale avec , et .

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Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique
Algorithme de Gauss

Il s'agit d'un algorithme permettant de trouver une décomposition d'une forme quadratique en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes.

Les identités suivantes sont les outils essentiels de cet algorithme :

La preuve est basée sur une démonstration par récurrence sur la dimension n de E.

Premier cas : il existe au moins un indice i pour lequel est non nul.

On dit usuellement qu'il existe un « terme carré ».

Par exemple supposons . Pour alléger l'écriture notons .

Alors peut être ordonné comme un polynôme du second degré en . Cela donne : B est une expression polynomiale homogène de degré 1 par rapport à donc une forme linéaire en et C une expression polynomiale homogène de degré 2 par rapport à , donc une forme quadratique en .

  Cliquez pour voir un rappel sur les formes linéaires 

En utilisant l'identité il vient :

D'où .

L'expression est une expression polynomiale homogène de degré 2 par rapport à , qui peut donc être considérée comme une forme quadratique sur un espace de dimension .

Cela permet d'écrire .

On termine en appliquant l'hypothèse de récurrence à .

Second cas : il n'existe pas d'indice i pour lequel soit non nul.

Si q est nulle c'est fini sinon il existe au moins un non nul (avec ). On dit usuellement que est un terme rectangle.

Par exemple supposons non nul et pour alléger l'écriture posons .

Alors B et C sont des formes linéaires en et D une forme quadratique en .

    Voir une version animée de cette étape
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Alors on peut écrire :

Autrement dit : , où et sont des formes linéaires en et respectivement et une forme quadratique en .

En utilisant l'identité (2), il vient :

On peut appliquer l'hypothèse de récurrence à la forme quadratique .

Dans les deux cas il est clair que les formes linéaires trouvées sont linéairement indépendantes, d'où le résultat.

Cela donne un algorithme pour trouver une décomposition de q en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires linéairement indépendantes.

On commence en suivant la démarche précédente. Dans un cas comme dans l'autre, on aboutit soit à une expression de la forme , soit à une expression de la forme :

et sont des formes quadratiques sur un espace de dimension strictement inférieur à n (ce sont des expressions polynomiales homogènes de degré 2 par rapport à ou variables).

Pour continuer, on réitère le procédé pour et .

Remarque sur l'unicité et la méthode

Il y a des choix arbitraires tout au long de l'algorithme. Par exemple, s'il y a plusieurs coefficients non nuls, on en choisit un à la première étape et tout le reste en dépend. On verra dans le paragraphe suivant que certains éléments d'une telle décomposition se conservent et ne dépendent donc que de la forme quadratique ou de la forme bilinéaire symétrique considérée.

Par exemple on sait déjà, compte tenu du théorème d'existence, que le nombre de formes linéaires intervenant explicitement c'est-à-dire précédées d'un coefficient non nul se conserve puisque c'est le rang de la forme quadratique.

Remarque sur la méthode

Il y a bien sûr d'autres moyens d'écrire une forme quadratique comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires (voir l'exemple 2 suivant). La difficulté est de s'assurer que la méthode conduit à des formes linéaires, linéairement indépendantes. La méthode de Gauss assure cette indépendance linéaire qui n'a donc pas besoin d'être vérifiée à posteriori.

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Décomposition en « carrés » d'une forme quadratique
Exemples

   Exemple 1

Soit q l'application de dans R définie pour tout par :

Première étape : il y a des termes « carrés » ( et ).

On choisit et on ordonne comme un polynôme en .
Cela donne : .

Deuxième étape : on utilise l'identité .

On obtient :
et par conséquent : .

Troisième étape : on recommence pour la forme quadratique telle que .

Il y a des termes carrés, on choisit par exemple et cela donne :

Donc .

La forme quadratique q est donc de rang 3 (elle est par conséquent non dégénérée).

Cela permet de déterminer une base q-orthogonale . En effet la matrice de passage de la base canonique à la base est :

.

Donc .

Si sont les coordonnées d'un vecteur x dans la base , alors on a .

Remarque :

Au niveau de la première étape on aurait pu choisir au lieu de . Cela aurait donné comme résultat : .

Ce calcul illustre le fait qu'il n'y a pas unicité. Remarquons qu'il y a trois formes linéaires affectées d'un coefficient non nul. Cela est normal puisque le nombre de formes est égal au rang de la forme quadratique considérée. Donc ici, toutes les décompositions de q en carrés feront intervenir 3 formes linéaires.

   Exemple 2

Soit q l'application de dans R définie pour tout par : . C'est une forme quadratique.

Remarque :

En appliquant l'identité , successivement à et à , il vient :

L'expression trouvée est une combinaison linéaire de carrés de formes linéaires mais elles ne sont pas indépendantes.

En effet soient les formes linéaires

 

Alors et donc . Les formes linéaires ne sont donc pas linéairement indépendantes.

Il était clair, à priori, que cette décomposition ne pouvait pas convenir car elle faisait intervenir quatre formes linéaires ; or q, forme quadratique sur , est de rang inférieur ou égal à 3.

On va utiliser la méthode de Gauss.

Première étape : il n'y a pas de termes « carrés ». On choisit donc un terme rectangle par exemple . On écrit et on transforme cette expression de la façon suivante : .

Deuxième étape : on applique l'identité . Il vient alors : .

C'est terminé ; le rang de q est 2 et cela permet d'obtenir une base orthogonale dans laquelle la matrice associée à q est .

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Théorème de Sylvester

Une forme quadratique peut se décomposer de plusieurs façons en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes. On a déjà vu qu'il y a un invariant, à savoir le nombre de formes qui interviennent affectées d'un coefficient non nul puisque ce nombre est le rang de la forme quadratique. Cependant lorsque l'espace vectoriel considéré est un espace vectoriel réel, il y en a d'autres. Leur étude est l'objet de ce paragraphe.

Dans tout ce paragraphe, on considère un espace vectoriel sur le corps des nombres réels.

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Théorème de Sylvester
Théorème d'inertie de Sylvester

On a le théorème suivant :

Théorème : Théorème d'inertie de Sylvester

Soit E un R-espace vectoriel de dimension n et f une forme bilinéaire symétrique sur E.

  1. Il existe une partition de par des parties de et une base de E telles que :

  2. Si est une autre partition de et une base de E vérifiant les même conditions, alors pour tout i compris entre 1 et 3, et ont le même nombre d'éléments.

  Pour visualiser le résultat, cliquez. 

Preuve du théorème de Sylvester

La démonstration est faite dans le cas où f est non nulle, le résultat étant évident si f est nulle. On suppose aussi et non vides, la démonstration des autres cas se faisant de la même façon. Pour la démonstration de la partie 2 du théorème, on supposera aussi que et sont non vides.

Rappelons tout d'abord ce que signifie l'hypothèse : les parties de forment une partition de si et seulement si elles sont disjointes deux à deux et si .

La première partie est une conséquence immédiate de l'existence d'une base orthogonale pour f. En effet si f est non nulle et si est une base orthogonale de E, on a, pour tout et  :

ou bien si ,
avec pour tout i, strictement positif.

Alors en définissant par ( peut être vide) et la base par :

on a tous les éléments de la conclusion 1 du théorème et ils satisfont aux conditions voulues car :

Deuxième partie :

On sait déjà que le nombre de coefficients non nuls est égal au rang de la forme bilinéaire symétrique. C'est le nombre d'éléments de ou de donc le nombre d'éléments de ou de est le même (ne dépend que de f) et est égal à . On note p (respectivement ) le nombre d'éléments de respectivement ), s (respectivement ) le nombre d'éléments de , (respectivement ) et (respectivement ) les bases de E satisfaisant aux conditions du (1).

Soit F le sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs pour i appartenant à et le sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs pour i appartenant à . Alors F est de dimension p et de dimension .

Montrons que est une somme directe.

Soit x un élément de . Comme puisque x appartient à F, .

Comme appartient à , .

L'égalité implique alors que : .

Donc . On a donc démontré que et donc que .

Comme est un sous-espace vectoriel de E, sa dimension est inférieure ou égale à n et par conséquent on a l'inégalité :

Donc et par conséquent .

Le même raisonnement peut être fait en considérant le sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs pour i appartenant à et G le sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs pour i appartenant à . Il conduit à l'inégalité .

D'où .

Comme r est le rang de la forme quadratique, on en déduit que ce qui achève la démonstration.

 

Le corollaire suivant, très utile dans la pratique, s'en déduit immédiatement.

Corollaire : Nombre de coefficients positifs et de coefficients négatifs dans une « décomposition en carrés »

Soit q une forme quadratique sur un R-espace vectoriel de type fini.
Quelle que soit la décomposition de q en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes, le nombre de coefficients strictement positifs est indépendant de la décomposition, de même que le nombre de coefficients strictement négatifs, et leur somme est égale au rang de la forme quadratique.

La preuve en est immédiate. Si q est non nulle et de rang r et si l'on a une décomposition de q en carrés, quitte à changer l'ordre des coefficients, on peut l'écrire :

Si

Si

Alors, Si  :

 .

Si  :

 .

On est donc dans la situation du théorème et donc le nombre de signe +, de signe – et de termes nuls est constant.

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Théorème de Sylvester
Signature d'une forme quadratique

On garde les notations et hypothèses du théorème de Sylvester. En particulier l'espace vectoriel considéré est un espace vectoriel sur R.

Définition : Signature d'une forme quadratique ou d'une forme bilinéaire symétrique

La signature d'une forme quadratique q (ou d'une forme bilinéaire symétrique f) est le couple d'entiers p est le nombre de coefficients positifs dans une décomposition de q en carrés et s le nombre de coefficients négatifs.

On notera sgnq ou sgnf cette signature.

Cette définition a un sens puisque le théorème de Sylvester prouve que les deux entiers p et s et donc le couple ne dépend que de la forme quadratique q et non pas de la décomposition.

Avec les notations du théorème de Sylvester, p est le nombre d'éléments de , s est celui de .

Ils vérifient l'égalité : r est le rang de la forme quadratique (ou de la forme bilinéaire symétrique).

Propriétés

Soit q une forme quadratique de signature sur un R-espace vectoriel de dimension n et f sa forme polaire.

  1. La forme quadratique q est non dégénérée si et seulement si .

  2. On dit que q est positive (ou que f est positive) si : .

    Alors q est positive si et seulement si sa signature est de la forme , donc si .

  3. Une forme est non dégénérée et positive si et seulement si sa signature est .

  4. Il existe une base orthonormale pour la forme quadratique si et seulement si sa signature est .

Preuve :

  1. Ce résultat découle immédiatement du fait que et qu'une forme quadratique est non dégénérée si et seulement si elle est de rang n.

  2. Si , la forme est positive (immédiat).

    Si s est non nul, on peut écrire la forme quadratique sous la forme . où les sont positifs ou nuls, avec au moins un () non nul. Alors et . Donc q n'est pas positive.

  3. C'est une conséquence immédiate de 1. et 2. que l'on a mis en évidence car c'est un résultat très important.

  4. Cela résulte immédiatement des définitions.

Vocabulaire : Une forme bilinéaire symétrique non dégénérée positive est aussi appelée forme bilinéaire symétrique définie positive.

Exemples

  1. La forme quadratique q sur définie pour tout de par :

     .

    Sa signature est . Elle est donc non dégénérée positive.

  2. Soit q l'application de dans R définie pour tout par :

     .

    Elle est déjà décomposée en carrés et sa signature est . Elle est donc positive et dégénérée. Il n'existe donc pas de base orthonormale relativement à q.

  3. Soit q la forme quadratique sur définie pour tout par :

    .

    Grâce à la méthode de Gauss, on a trouvé :

    .

    Alors la signature de q est . Son rang est égal à 3 et elle est non dégénérée. Elle n'est pas positive. Il n'existe donc pas de base orthonormale relative à q.

  4. Soit la forme quadratique sur pour tout par :

     .

    Grâce à la méthode de Gauss, on a trouvé :

     .

    Alors la signature de est . Son rang est égal à 2, elle est dégénérée et n'est pas positive. Il n'existe donc pas de base orthonormale relativement à .

 

La propriété suivante concerne les formes bilinéaires symétriques positives.

Proposition : Inégalités de Cauchy-Schwarz

Soit f une forme bilinéaire symétrique positive et q la forme quadratique associée. Alors :

  1. Pour tout x et y de E,

  2. Le noyau de f, , est égal à l'ensemble des vecteurs isotropes.

  3. Si le seul élément isotrope est 0, c'est-à-dire si : , f est non dégénérée et positive.

La deuxième inégalité est aussi appelée inégalité de Minkowski.

Preuve :

1. Soient x et y deux éléments quelconques de E. Puisque la forme est positive, pour tout réel .

En développant cela donne : .

Ceci n'est possible que si le discriminant est négatif ou nul donc si .

D'où la première formule.

Comme et sont des réels positifs, l'inégalité est équivalente à l'inégalité . Or :

D'où

Or la quantité est négative ou nulle d'après la première inégalité. D'où le résultat.

2. Soit l'ensemble des vecteurs q-isotropes.

L'inclusion est toujours vraie. En effet, si x est un élément de , il vient : . En particulier si l'on prend cela donne et donc x est isotrope.

Supposons f positive. Soit x un vecteur isotrope. Alors en utilisant l'inégalité de Schwarz on obtient immédiatement la propriété : .

Pour terminer cette ressource donnons la définition suivante :

Définition : Espace euclidien

Soit E un R-espace vectoriel de type fini et f une forme bilinéaire symétrique non dégénérée et positive. Le couple est appelé espace euclidien.

L'étude des espaces euclidiens fait l'objet d'une autre ressource.

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